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L'IRM dans la recherche en neurosciences cognitives: interview avec Sixtine Omont




Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Sixtine Omont, j’ai effectué une licence de Biologie spécialité Biotechnologie à l’Université Catholique de Lille, puis j’ai intégré un master de Biologie Intégrative et Physiologique parcours Neurosciences Comportementales et Cognitives au sein de Sorbonne Université, validé en 2019.


Dans le cadre de mon master, j’ai effectué un premier stage avec Marieke Longcamp (Université Aix-Marseille - LNC), portant sur le développement de la latéralisation cérébrale chez l’enfant et l’adulte pendant l’écriture manuscrite. Puis un second stage au LaPsyDÉ (Université de Paris), sous la supervision de Grégoire Borst, Arnaud Cachia et Emilie Salvia, sur le développement de la latéralisation cérébrale du réseau d’activation engagé par le contrôle inhibiteur suite à un apprentissage exécutif chez l’enfant d’âge scolaire et l’adolescent.


En octobre 2019, j’ai débuté mon doctorat portant sur une étude longitudinale de 3 ans, encadrée par le Pr. André Knops et en collaboration avec Ilse Coolen.


Peux-tu nous décrire ton projet de thèse globalement ?

Mon projet de thèse a pour objectif de mettre en évidence la contribution des fonctions dites ‘domaines générales’ telles que l’inhibition et l’attention spatiale dans le développement d’une fonction spécifique en mathématiques telle que le calcul mental chez les enfants de 3 à 9 ans.


Trois facteurs clés du développement des compétences mathématiques seront examinés pour cette étude : le SNA (capacité de perception et traitement des quantités d’objets - fondations de l’acquisition des compétences mathématiques formelles), la capacité d’inhibition (processus cognitifs qui servent à bloquer les réponses automatiques ou indésirables) et l’attention spatiale (divisée en 3 facettes : orienter, réorienter et soutenir l’attention - orientation et réorientation joueraient un rôle important lors du calcul mental non symbolique).


Ce projet de thèse vise à comprendre ces différentes composantes (SNA, inhibition et attention spatiale), leur trajectoire développementale dans les compétences mathématiques et leurs interactions. Ce projet est composé de 3 cohortes d’enfants (cohorte 1 : 3-5ans ; cohorte 2 : 5-7ans et cohorte 3 : 7-9ans) et d’une partie Imagerie (IRM) avec la cohorte 2 et 3 uniquement (5 et 7 ans) *.


*Pour aller plus loin aller voir l’article suivant :


Ainsi qu’un lien d’un podcast sur ce projet et le métier de chercheur :


Peux-tu décrire plus en détail la partie IRM de ton projet ?

De nombreuses recherches montrent que les bonnes compétences en mathématiques dépendent également d’autres compétences plus générales telles que l'inhibition. Par exemple, lorsque vous apprenez les nombres décimaux et que vous devez dire lequel des deux nombres est le plus grand: 0.135 ou 0.2, l'inhibition jouera un rôle dans la formulation d'un jugement correct. En apprenant les nombres entiers, vous avez appris que 135 est plus grand que 2, mais ici, dans le cas des nombres décimaux, c'est 0.2 qui est plus grand que 0.135. Par conséquent, vous devrez inhiber la réponse "automatique" apprise précédemment afin de trouver le résultat correct et d'apprendre cette nouvelle compétence. Les aptitudes spatiales et visuo-spatiales sont également considérées comme des prédicteurs de la réussite en mathématiques. En outre, des recherches ont montré que les aptitudes spatiales sont liées à la ligne mentale du nombre sur laquelle les gens se représentent les grandeurs numériques (les petits nombres à gauche et les grands nombres à droite). La question reste de savoir pourquoi cette ligne de chiffres mentale existe et pourquoi elle est liée aux aptitudes spatiales ; pourquoi les additions mentales sont associées à des déplacements de l'attention vers la droite et les soustractions à des déplacements de l'attention vers la gauche.


Le but de notre étude en IRM est d’étudier les mécanismes cérébraux qui sous-tendent le calcul (non-) symbolique, l'attention spatiale et l'inhibition, dans deux cohortes d'enfants (initialement âgés de 5 et 7 ans) et de déterminer si des circuits corticaux sont partagés entre ces fonctions cognitives (calcul mental, inhibition et attention spatiale). Pour cela, nous allons analyser les interdépendances structurelles et fonctionnelles, et nous espérons mieux comprendre comment les fonctions de domaines généraux contribuent au développement de la pensée mathématique.


L’IRM apporte une réponse biologique à notre question de recherche par rapport à une méthode uniquement comportementale.


Rapidement, comment fonctionne l'IRM et sur quels principes ?

L’IRM est l’abréviation d’« Imagerie par Résonance Magnétique ». L’IRM permet d'obtenir des vues en deux ou trois dimensions de l'intérieur du corps, et en particulier du cerveau. L’IRM utilise un champ magnétique (aimant) et des ondes radio pour détecter l'activité dans différentes parties du cerveau. Une partie du cerveau est considérée comme plus active lorsque ses neurones commencent à envoyer plus de signaux électriques qu'auparavant. L'IRM mesure indirectement cette activité électrique en détectant les variations du taux d'oxygène dans le sang. C'est ce qu'on appelle la réponse BOLD (blood-oxygen-level-dependent). Aucune radiation ionisante n'est émise. L’IRM consiste donc à réaliser des images du corps humain et dans le cas de cette recherche, du cerveau. La plateforme d’imagerie du GHU Paris dispose d’une IRM 3 Tesla, de la société Canon, adaptée à la recherche pour étudier l’anatomie et le fonctionnement du cerveau (Image 1).


Image 1. La machine IRM 3 Tesla de la plateforme d'imagerie du GHU Paris.


Peux-tu nous décrire comment se déroule une session d’IRM ?

Ce projet de recherche implique dans un premier temps une investigation cérébrale par IRM (une méthode indolore, non invasive et sans injection) au sein de la plateforme d’imagerie (Neuro-Léa) du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences – site Sainte-Anne (Paris 14ème), puis dans un second temps des tâches cognitives réalisées sur ordinateur et sur papier.


La séance d’imagerie est composée de 3 étapes :


1) INCLUSION - Un RDV avec le médecin qu’on appelle l’inclusion pendant lequel le médecin vérifie que tous les critères d’inclusion sont remplis et que le participant ne présente aucune contre-indication à l’IRM et qu’il peut donc participer ;


2) ENTRAINEMENT - Ensuite, pendant environ 1h, j’entraine l’enfant aux conditions de l’IRM : je lui explique ce que c’est une IRM, à quoi ça sert ; je lui présente l’équipe de recherche qu’il va rencontrer et le rôle de chacun ; je l’entraine au jeu de la statue afin de bouger le moins possible, car pendant une IRM le gros enjeu est de ne pas bouger la tête afin d’avoir de belles images ensuite ; je lui fais écouter le bruit de l’IRM et je lui explique les jeux qu’il effectuera dans l’IRM. Le participant va également s’entraîner en condition réelle, c’est-à-dire qu’il va réaliser les jeux en étant allongé dans un « tunnel de jeu » sans bouger (Image 2). Afin de rassurer l’enfant, nous lui construisons un univers d’astronaute où nous considérons l’IRM comme une grosse fusée et nous lui expliquons que dans cette « fusée IRM », il portera un casque d’astronaute (qui correspond à une antenne à mettre au-dessus de la tête de l’enfant) avec lequel nous allons prendre des photos de son cerveau pour mieux comprendre comment il apprend.


Image 2. Le « tunnel de jeu » où le participant est allongé avant la séance d'IRM afin de s’entrainer aux conditions réelles de la « fusée IRM ».


3) IRM - Puis, après la pause déjeuner, nous allons sur le site Neuro-léa pour réaliser la séance IRM où l’enfant va être dans l’IRM 2 fois pendant 20 minutes avec une pause entre les 2 sessions de 20 minutes. Afin de rassurer l’enfant on lui fait visiter la salle où on « pilote » la « fusée IRM », on lui montre qu’on pourra toujours communiquer avec lui quand il sera dans l’IRM, que ses parents pourront également lui parler. Puis, on lui montre l’IRM (Image 3), je lui explique où il sera allongé et je lui explique comment appuyer sur les boutons réponses.


Image 3. Sixtine présente l'IRM à un participant.


Une fois la découverte de la « fusée IRM » faite, on l'installe et c’est parti pour 20 minutes dans l’IRM. Au début on lui met un petit film car il faut régler la machine et effectuer la première séquence qu’on appelle anatomique, elle va prendre des photos des différentes structures du cerveau (Image 4), puis l’enfant va réaliser 3 petits jeux. Pendant ces jeux, on va enregistrer le signal BOLD (c’est-à-dire l’activité cérébrale pendant que l’enfant réalise les jeux). Cela va nous permettre de cibler les régions du cerveau qui sont « actives » pendant que l’enfant fait le jeu. Après on a un temps de pause qui dure 20 minutes et pendant lequel l’enfant sort de la machine, il se dégourdit les jambes, et on lui montre des photos de son cerveau. Ensuite l’enfant retourne dans la « fusée IRM » pendant 20 minutes, il va refaire 2 ou 3 jeux selon son âge, puis on lui remet le film pour faire la dernière séquence appelé DTi, c’est une séquence qui permet de voir les faisceaux de matière blanche, ce sont les connexions entre les différentes régions du cerveau. A la fin de la session IRM, l’enfant reçoit un diplôme de chercheur.


Image 4. Photos des différentes structures du cerveau sur l'ordinateur qui acquiert les images IRM.


Un jour minimum ou un mois maximum après l’IRM, on réalise la séance avec les tâches cognitives réalisées sur ordinateur et sur papier. Cette session dure 40 minutes et se réalise soit au même endroit que l’IRM, soit à l’école de l’enfant (notre laboratoire a une convention signée avec le rectorat de Paris, Versailles et Créteil).


Ces recherches ont été conçues avec un format ludique, encadrées par des médecins et chercheurs expérimentés. Chaque enfant participant à ce projet reçoit des jeux et livres ludiques sur le fonctionnement du cerveau et tous les trajets pour se rendre à Sainte-Anne sont indemnisés. Les données sont enregistrées de façon anonyme. En particulier, lors de la publication de l’étude, aucun nom de participant n’est communiqué. Chaque parent est libre d’arrêter la participation de son enfant à tout moment sans avoir à se justifier. Toutes les informations personnelles récoltées sont anonymisées et conservées sur un serveur sécurisé suivant la réglementation en vigueur.


Que font les participants à l’intérieur de la machine ?

Les participants font des jeux lorsqu’ils sont dans l’IRM, un jeu de calcul mental non symbolique avec des nuages de points – image A ; un jeu d’inhibition appelé « Couleur-forme » – image B ; et un jeu d’attention spatiale appelé « ANT » – image C et les enfants de 7 ans font des calculs mentaux symbolique (ex : 2+2 = 4) et lors des séquences anatomiques et de DTi, ils regardent un film.


Y a-t-il des risques ou des désagréments pendant ce temps ?

Il faut savoir qu’il y a certaines contre-indications à l’IRM. En effet, l’IRM génère un champ magnétique intense. Les personnes porteuses de pacemaker, d’un Holter, de neuro-stimulateurs, de clips chirurgicaux, de valves, de prothèses métalliques ou auditives, d’agrafes, ou de tout corps étranger susceptible de réagir face au champ magnétique ne peuvent pas passer d’examen IRM. De la même façon, il n’est pas possible de s’approcher de l’appareil avec des objets métalliques (pièces, bijoux/piercing, lunettes à montures métalliques) ou magnétiques (carte bancaire, tickets de transport, clés de voiture, jouets métalliques) que l’on utilise au quotidien. Ces objets sont donc impérativement enlevés avant d’entrer dans la salle IRM. En fonction du type de matériel avec lequel ils sont faits, les appareils dentaires peuvent être admis pour un examen IRM. Il n’y a aucun risque encouru lorsque l’on fait une IRM ! Toutes les études en IRM menées depuis plus de 30 ans n’ont à ce jour montré aucun effet secondaire suite à la passation d’un tel examen. Cet examen médical est totalement indolore (sans douleur) et non invasif (aucune injection). Les seuls désagréments au cours d’une IRM sont liés au bruit à l’intérieur de l’appareil lorsque les images du cerveau sont acquises. C’est pourquoi un casque de protection antibruit, adapté à l’enfant, est utilisé pour passer l’examen. D’autre part, rester immobile pendant la durée de l’examen peut être un peu désagréable. Nous avons donc aménagé un temps de pause, hors de l’IRM pour que l’enfant puisse se dégourdir les jambes, boire un verre d’eau...


Peux-tu nous raconter une anecdote avec des participants lors de précédentes IRM ?

Pendant l’entrainement, j’apprends aux enfants à rester immobile avec le jeu de la statue afin de les entrainer à ne pas bouger. A la fin de la journée, tous les parents sont impressionnés par la capacité de leur enfant à respecter le fait de rester immobile car ils ne pensaient pas forcément que leur enfant en était capable. Comme quoi les enfants nous impressionnent tous les jours.


Y-a-t-il des difficultés spécifiques à mener des projets en IRM ?

Une des difficultés est le recrutement, c’est-à-dire de convaincre les parents et les enfants de participer à ce type de projet. Cette difficulté est notamment due à la méconnaissance de l’IRM car beaucoup pensent que cette méthode de neuroimagerie est nocive pour la santé ; d’où cette petite interview pour répondre à toutes les questions sur l’IRM. Car en effet, l’IRM n’est pas un scanner qui émets des rayons X et on n’injecte rien aux enfants.


Comment envisages-tu la suite après le doctorat ?

J’envisage de continuer dans la recherche dans un poste de « post-doctorat » toujours dans le domaine des mathématiques, mais j’aimerais m’intéresser aux différentes méthodes d’apprentissage en mathématiques chez les enfants.


Auteur :

Sixtine Omont

Doctorante au LaPsyDÉ, Université Paris Cité













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